Ah ! Romain Gary ! Quel écrivain extraordinaire ! Rendez-vous compte : cet auteur a obtenu le prix Goncourt à deux reprises ! La première fois sous son vrai nom, donc, avec « Les Racines du ciel », en 1956. Puis une deuxième fois, en 1975, sous son pseudonyme, Émile Ajar, avec son merveilleux récit « La vie devant soi ». Excusez du peu !
Je veux vous parler aujourd’hui de « Les cerfs-volants » car, à mes yeux, avec « La vie devant soi », il s’agit là du roman le plus puissant de Monsieur Gary. En plus, je ne suis pas insensible à la destinée de ce livre. Romain Gary se suicidera, sûrement par amour pour Jean Seberg, en décembre 1980, l’année de la publication de ce dernier opus. D’ailleurs, c’est à travers un document posthume qu’il révélera être aussi Émile Ajar, comme un ultime pied-de-nez à la société des hommes.
Bon, je vous parle quand même un peu de « Les cerfs-volants »…
Si vous n’avez jamais rien lu de cet écrivain, je vous en conseille la lecture toutes affaires cessantes. Vous y retrouverez sa loufoquerie habituelle – à travers son oncle Ambroise Fleury, fabricant des fameux cerfs-volants connus dans le monde entier –, cet amour impossible qui lui ronge l’âme – en la personne de la charmante Lila –, et l’évocation de la Seconde guerre mondiale, de la Résistance et de la fraternité entre les hommes.
Mais c’est aussi un roman tragique, qui, j’en suis persuadé, vous marquera longtemps après en avoir tourné la dernière page. L’air de rien, le style de Romain Gary est d’une poésie incroyable et ses phrases sont toujours lumineuses, presque possédées tant elles résonnent en nous encore aujourd’hui.
Ce « cosaque un peu tartare mâtiné de juif » comme se plaisait à se définir, avec ironie, Romain Gary, est un conteur qui ne s’essouffle jamais et qui, au bout de sa plume, sait faire briller une littérature douce et rude en même temps. Une littérature inoubliable.
Et même si, vers la fin de sa vie, il a laissé percer, dans ses ouvrages, son angoisse du déclin et de la vieillesse, Romain Gary réussit dans « Les cerfs-volants » à réunir l’éternité et la beauté au même banquet. Chapeau bas, l’artiste !
« Les cerfs-volants », aux Éditions Gallimard, paru en 1980.