J’ai découvert ce chef-d’œuvre, « Le maître et Marguerite », relativement récemment, puisque ce devait être en 2016. L’ouvrage m’avait alors été conseillé par l’une de mes collaboratrices, sur mon lieu de travail, elle-même d’origine russe et férue de poésie. La claque ! J’ai pris une claque, et encore plus lors de ma deuxième lecture qu’à la première !
Vivant avec moi-même depuis plusieurs décennies, je sais être autant attiré par un livre en lui-même que par l’existence de son auteur ; et l’on peut dire ici que Mikhail Boulgakov a eu une vie terriblement compliquée ! Surgi durant le régime stalinien, Boulgakov, génie littéraire, était libre dans ses pensées, trop libre, agile dans ses écrits, trop agile, et ça lui a coûté cher, très, très cher. Le plus souvent, il vécut dans un certain dénuement car les journaux de l’époque, contrôlés par la clique du dictateur, s’amusaient, avec une mauvaise foi tendancieuse, à lui faire mauvaise presse.
Néanmoins, en parallèle de son énergie créatrice, en partie orientée vers le Théâtre d’Art, Boulgakov travailla sans relâche, durant douze années, sur « Le maître et Marguerite ». Il corrigea, il annota, il biffa, aidé en cela par sa dernière compagne, Lena, mais aussi et surtout par cette espièglerie qui ne l’aura jamais quitté. Cette espièglerie qui lui aura permis de laisser, bien après sa mort, un livre abouti qui ne peut s’oublier.
J’imagine cet homme, rongé par la maladie, un vieux bonnet tricoté sur la tête, vêtu de son peignoir de bain mauve sale, – avec son chien Bouton pas très loin – qui, retiré dans son cabinet de travail, avait la conscience d’être en train d’écrire quelque chose de très important. Un écrivain qui, en dépit de « camarades » élevés pour le discréditer, ne doutait pas de sa vocation et de la place qui lui reviendrait, un jour.
« Le maître et Marguerite » – dont le titre initial était « Conseiller aux sabots » – est une œuvre magistrale dont vous ne sortirez pas indemne ! Comme moi, vous devrez le lire plusieurs fois tant les détails sont innombrables, les personnages taillés par une plume corrosive et disruptive – déjà, hein ? –, et l’histoire, ou devrais-je dire les histoires s’imbriquent les unes aux autres dans un maelstrom de fureurs, d’amours et de morts.
Pensez donc : il y a là Satan, un magicien, un chat noir, un tueur, une sorcière rousse, et puis le Maître, bien sûr. Mais il y a aussi Ponce Pilate… et, surtout, Marguerite. Marguerite qui, par amour pour son Maître, acceptera de vivre dans la misère et ainsi rejoindre son bien-aimé dans une existence surréelle.
Alors, amis lecteurs, courez, volez, empruntez le moyen de transport de votre choix, mais allez acheter, toutes affaires cessantes, « Le maître et Marguerite » ! Votre argent, pour le coup, aura été bien dépensé.